Les énergies renouvelables, rempart contre une crise énergétique ?
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La dépression des années 1930 a donné naissance au dicton “Quand l’Amérique éternue, le reste du monde s’enrhume”. Aujourd’hui, dans un monde plus interconnecté et plus interdépendant, les symptômes d’une mauvaise santé économique se propagent plus facilement et plus rapidement. Les catastrophes naturelles, l’instabilité politique et la demande croissante de certaines matières premières sont des facteurs qui peuvent aujourd’hui affecter tout un chacun.
Le récent bras de fer entre la Russie et l’Ukraine est un exemple classique: quoique localisé, le différend aurait pu avoir – notamment au niveau de l’UE – un impact très significatif. L’interruption, durant trois jours au total, des livraisons de gaz russe a entraîné une baisse de pression qui a affecté les approvisionnements en Italie, en France et en Pologne.
Le Commissaire européen en charge de l’Energie, Andris Piebalgs, a confirmé le 11 janvier que l’énergie avait été “repositionnée en tête d’agenda”, devenant ainsi une priorité majeure de la politique européenne. Il met en garde contre une “crise énergétique sévère” d’ici 20 ans si rien n’est fait.
Les énergies renouvelables peuvent être définies comme des ressources rapidement renouvelées par des processus naturels. L’on peut considérer que ces sources sont inépuisables à l’échelle de notre durée de vie et de celle de nos lointains descendants. Outre les ressources naturelles vivantes telles que les plantes, ces sources d’énergies renouvelables sont, à titre d’exemple, le vent, le soleil, la mer et la croûte terrestre.
Pourquoi les sources d’énergies renouvelables ?
L’UE importe 35 pour cent de son gaz de Russie. Si la Russie décide d’interrompre ses livraisons aujourd’hui, nous serions incapables de combler le déficit énergétique qui en résulterait. Les carburants fossiles contribuent en outre largement aux émissions de gaz à effet de serre. Les sources renouvelables d’énergie n’entraînent en général que peu ou pas d’émissions, ce qui les rend intéressantes pour la réalisation des objectifs du protocole de Kyoto.
Les stratégies européennes mettent l’accent sur la diversification des sources d’énergie, et un plan à moyen terme est actuellement à l’étude en vue de la construction, à travers la Turquie, d’un pipeline pour le transport de gaz en provenance de la mer Caspienne. Environ 80 pour cent du pétrole que consomme l’Europe provient de l’autre côté de la Méditerranée – du Moyen-Orient et d’Algérie – l’Algérie qui fournit en outre à l’Europe 20 pour cent du gaz qu’elle consomme. La politique de l’UE est de conserver de bonnes relations avec tous ces pays, mais toute instabilité dans ces régions serait potentiellement problématique.
Le charbon est une source traditionnelle d’énergie actuellement sûre, pour laquelle l’UE dispose d’importantes réserves tout en pouvant compter sur un approvisionnement “sûr” par l’Australie et l’Afrique du Sud, où cette ressource est bon marché et abondante et où les gouvernements bénéficient d’une stabilité politique.
Les réserves de combustibles fossiles sont cependant limitées. Selon les estimations actuelles, les réserves en gaz naturel sont évaluées à 60 ans environ.
Que coûte l’énergie ?
Sur le long terme, la seule énergie fiable sera celle provenant de sources renouvelables. Aujourd’hui, les sources conventionnelles coûtent 0,04 euro par kWh. Les prix de l’énergie biomasse et de l’énergie éolienne évoluent entre 0,04 et 0,08 euro, ceux de l’énergie géothermique et de l’énergie solaire concentrée entre 0,1 et 0,2 euro et ceux de l’énergie photovoltaïque entre 0,2 et 0,4 euro. Les technologies marémotrices en sont encore à l’heure actuelle au stade du prototype.
L’augmentation des prix du charbon, du pétrole ou du gaz a deux conséquences – premièrement, les combustibles fossiles dont l’extraction est actuellement considérée trop coûteuse peuvent devenir économiques. Deuxièmement, le différentiel de prix entre les sources conventionnelles et renouvelables se réduit. Et continuera à se réduire au fur et à mesure des progrès technologiques en matière d’exploitation des énergies renouvelables.
Utilisation actuelle des énergies renouvelables
Dans les 25 Etats membres de l’UE, six pour cent de l’énergie produite est renouvelable ou “verte”. Si l’on considère uniquement l’électricité, les sources renouvelables représentent alors 14 pour cent de la production. L’énergie produite par les barrages hydroélectriques contribue pour une large part à ce pourcentage, avec près de 11 pour cent de l’ensemble de la production d’électricité dans l’UE. Toutefois, l’on ne peut construire des barrages à l’infini, et d’aucuns s’interrogent sur la vocation écologique d’une production hydroélectrique à grande échelle, même s’il n’y a pas émission de gaz à effet de serre.
A l’échelle mondiale, l’UE se positionne en première ligne en matière d’énergies renouvelables. Les sources renouvelables d’énergie sont activement encouragées, de même que le développement et le perfectionnement de technologies renouvelables en vue d’accroître l’efficacité. L’objectif pour 2010 est d’augmenter de 14 à 21 pour cent la part des sources renouvelables dans la production électrique. Un objectif spécifique a été défini pour le biocarburant, son pourcentage d’utilisation devant progresser d’environ 1 pour cent à l’heure actuelle à 6 pour cent en 2010.
Divers projets relatifs aux énergies renouvelables sont actuellement financés au titre des programmes-cadres européens de recherche.
Biomasse
La production de biomasse se fait à partir du bois et des résidus et produits du bois, de cultures énergétiques développées spécifiquement à cet effet ou de déchets et de biogaz.
Le projet CHRISGAS, financé au titre du Sixième programme-cadre (6e PC) ainsi que par le gouvernement suédois, est un projet-pilote basé en Suède qui vise à produire des gaz riches en hydrogène à partir de la biomasse bois. Un site pilote destiné à assurer la production combinée de chaleur et d’énergie fournit actuellement 6 MW d’électricité et 9 MW de chaleur. Les gaz riches en hydrogène produits dans le cadre du projet CHRISGAS ont une multitude d’usages, dont les piles à combustible et les combustibles liquides tels que le di-méthyl-éther (DME), le méthanol et le diesel. Le site fait actuellement l’objet d’une remise à neuf afin d’améliorer l’efficacité de la recherche et le développement des activités. Ce projet est prévu jusqu’en 2009, et l’installation modernisée sera testée en 2008.
Deux projets relevant du 5e PC, CLEAN et AFFHORD, avaient pour finalité d’étudier comment minimiser la dépendance excessive des transports envers les carburants fossiles. Ils ont tous deux permis d’établir que l’utilisation de carburants biodiesel s’accompagne d’une réduction sensible des émissions, et que les carburants à forte teneur en DME peuvent être utilisés dans des véhicules conventionnels moyennant une adaptation très simple des moteurs diesel.
Energie photovoltaïque
La technologie photovoltaïque utilise l’énergie solaire pour produire chimiquement du courant électrique. Cette technologie est aujourd’hui une priorité pour l’UE.
Les recherches sur l’efficacité de concentrés photovoltaïques menées dans le cadre du projet CONMAN (Photovoltaic Concentrator Systems for Manufacture), financé au titre du 5e PC, ont permis de réduire les coûts de production d’énergie et celui des installations. Whitfield Solar LTD, antenne de l’université britannique de Reading, le principal partenaire, est chargée de développer et de fabriquer des cellules.
L’objectif de CRYSTAL CLEAR et FULLSPECTRUM – deux projets mis en oeuvre au titre du 6e PC – est d’améliorer les capacités de fabrication et de production. CRYSTAL CLEAR étudie la réduction des coûts élevés de fabrication de technologie photovoltaïque à base de silicone sans perte d’efficacité. FULLSPECTRUM vise à mieux cibler le spectre solaire pour les cellules photovoltaïques.
Energie éolienne
L’énergie éolienne est l’une des sources renouvelables les plus anciennes, les plus fiables et les moins chères d’énergie électrique. Plusieurs pays ont déjà consenti de lourds investissements dans les turbines éoliennes et la technologie fait déjà la différence. En 1980, la puissance de production électrique moyenne d’une seule éolienne équipée de pales de 15m était de 50kW. Aujourd’hui, cette moyenne est de 2.000kW pour des pales de 80m. Les éoliennes off-shore ont une puissance de production pouvant aller jusqu’à 5.000kW par turbine.
Le projet ANEMOS, qui relève du 5e PC, doit permettre de faire des prévisions météorologiques à court terme très précises afin de maximiser l’efficacité des éoliennes. Le projet DOWNVIND, mis en oeuvre au titre du 6e PC, a pour objectif d’utiliser les plateformes pétrolières mises hors service comme infrastructure pour éoliennes offshore.
Energie géothermique
L’énergie géothermique est la plus ancienne des sources d’énergies renouvelables; elle capte la chaleur de la croûte terrestre pour chauffer de l’eau qui est ensuite utilisée pour actionner des turbines. Le projet de géothermie actuellement mis en oeuvre à Soultz (France), et initialement financé au titre du 5e PC, offre des possibilités de production énergétique à l’échelle de l’Europe. La technique de la géothermie des roches chaudes sèches (Hot Dry Rock) consiste à chauffer de l’eau froide dans des fissures naturelles. La production électrique exige de forer à grande profondeur (jusqu’à 5 km) pour atteindre les températures nécessaires. L’unité pilote peut en théorie produire 6MW d’électricité.
Energie solaire concentrée
Cette technologie utilise des miroirs pour réfléchir et concentrer les rayons du soleil vers un récepteur. La chaleur collectée peut être utilisée pour faire fonctionner une turbine électrique, induire des réactions chimiques ou simplement chauffer ou cuisiner. L’énergie solaire concentrée est des plus prometteuses pour les petites communautés qui bénéficient d’un grand ensoleillement, tant dans l’UE que dans les pays en développement. Onéreuse à installer, cette technique ne génère toutefois que peu de frais ultérieurs.
Le projet PS10 financé au titre du 5e PC et mis en œuvre près de Séville (Espagne) utilise un générateur-tour de 10 MW contribuant directement à la grille nationale. 624 miroirs, appelés “héliostats” réfléchissent la lumière du soleil sur une tour haute de 100m. La chaleur produite (jusqu’à 1.000 degrés centigrade) actionne une turbine à vapeur qui produit de l’électricité.
Des systèmes de tour similaires peuvent être utilisés pour actionner des cycles thermochimiques tels que le craquage de gaz naturel pour la production d’hydrogène (projet SOLHYCARB, financé par le 6e PC) ou développer des micro turbines solaires-hybrides (projet SOLHYCO).
Energie marémotrice
Les énormes potentiels de la force marémotrice ne sont encore exploités que dans le cadre de systèmes prototypes. Le projet Wave Dragon fait actuellement l’objet d’essais au large de la côte du Danemark. Le Wave Dragon final sera un monstre énorme – le prototype à l’échelle un-quart pèse 237 tonnes, et fonctionne en aspirant de l’eau sur la crête des vagues pour la stocker dans un réservoir. En revenant au niveau de la mer, l’eau stockée fait fonctionner des turbines. Le prototype pourrait être utilisé sur divers sites dans des mers autres que la Méditerranée, où la formation de vagues est insuffisante.
La production à petite échelle d’énergie hydroélectrique à partir de turbines actionnées par le courant de fleuves et les barrages de marées pour exploiter les grandes différences de marées font également l’objet de recherches.
Dans quels délais ces projets peuvent-ils être mis en œuvre ?
L’UE, leader mondial en matière d’énergies renouvelables, vise une croissance et une pénétration à deux chiffres sur une base annuelle. Dans des régions telles que le nord de l’Espagne, le Danemark et l’Allemagne, 15-20 pour cent de la production électrique est en certains endroits d’ores et déjà entièrement renouvelable, grâce notamment à l’énergie éolienne.
L’UE ouvre également la voie en matière de biodiesel. Il n’est pas rare dans l’UE que les véhicules de transports publics roulent pour 50 pour cent au biodiesel. Les premiers moteurs conçus par Rudolf Diesel roulaient en fait à ce qu’on appellerait aujourd’hui du biodiesel, produit à partir d’huile de cacahuètes. Par rapport au diesel conventionnel, le biodiesel ne génère que très peu d’émissions pour une efficacité équivalente. Le défi consiste à trouver et à exploiter de nouvelles sources d’huiles pour la fabrication de biodiesel. Remplacer le diesel fossile par du biodiesel supposerait aujourd’hui un investissement considérable dans des cultures oléagineuses. La réponse pourrait venir des algues, mais la production commerciale d’huile d’algues reste à concrétiser
Les innovations du projet CHRISGAS ont donné à la technologie biomasse une viabilité commerciale maximale, et il en va de même pour les projets géothermiques explosés ci-avant. Pour la plupart des autres technologies, un certain travail reste à fournir avant que des modèles réalistes et commerciaux ne puissent être adoptés et mis en place. L’utilisation de certaines technologies a aussi ses limites : ainsi, les sources d’énergie solaire seront plutôt exploitées dans le sud de l’Europe où l’ensoleillement est plus grand, l’énergie marémotrice le sera plus largement le long des côtes de l’Atlantique et de la mer du Nord.
Les progrès technologiques étant constants, les coûts associés baissent toutefois, rendant ces technologies toujours plus proches.
Comment accroître l’intérêt pour l’énergie verte ?
Les Etats membres de l’UE encouragent activement le développement des énergies vertes en accordant de nombreux subsides, mais un plan énergétique européen intégré fait encore défaut.
Le financement des sources renouvelables d’énergie est révélateur d’une faiblesse – à savoir que les sources d’énergies renouvelables ne peuvent être exploitées et mises en œuvre sans d’importants subventionnements nationaux ou européens. Toutefois, les recherches effectuées en 2004 par l’Agence européenne de l’environnement aboutissent à une toute autre conclusion : les principaux bénéficiaires des subsides sont, en réalité, les industries des carburants fossiles.
Une autre façon d’encourager le développement des énergies renouvelables est de revoir le modèle de livraison d’électricité. Actuellement, de grands producteurs transportent l’électricité vers des stations centrales, puis vers des sous-stations et ensuite vers d’autres stations centrales et vers les maisons. Ce modèle présente un problème, car il complique l’intégration de petits producteurs à la grille. La recherche en cours porte également sur la façon de résoudre ce problème.
Conclusions
L’industrie nucléaire n’a cessé ces dernières années d’accentuer son virage écologique, mais la sécurité globale de certains modèles de réacteurs continue de poser question, de même que l’évacuation et le traitement sécurisés des déchets radioactifs.
L’interruption soudaine de l’approvisionnement en gaz poserait un problème immédiat à l’Europe et au reste du monde. Cependant, en supposant que les réserves de gaz naturel aient été correctement évaluées, alors nous disposons de suffisamment de temps pour perfectionner les sources renouvelables en prévision d’une diminution des fournitures de gaz.
Reste également la question de la consommation d’énergie. Aujourd’hui, plus nous consommons, plus nous réduisons nos réserves de combustibles. Il est impératif de développer des modes d’utilisation plus efficaces des ressources énergétiques disponibles. Réduire notre consommation d’énergie est l’affaire de tous et facilitera demain l’acceptation et la mise en œuvre des réductions énergétiques nécessaires.