Maisons à énergie nette zéro: le rêve écolo à petit prix
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Quand il était petit, Alex Roy-Maurice gelait dans sa chambre, à LaSalle. L’hiver, une mince couche de glace se formait sur son matelas placé près du mur. En 1994, à l’âge de 5 ans, il a vu son père, propriétaire d’un triplex centenaire, profiter d’un programme fédéral pour installer des panneaux solaires sur le toit afin de chauffer l’eau. Il n’a jamais oublié. Alors qu’il vient d’avoir 30 ans, il mise sur l’isolation et des panneaux photovoltaïques pour créer un lotissement de 33 maisons à énergie nette zéro sur son terrain, à Val-David. Une première au Québec.
En rénovant des habitations, au cours des dernières années, il a constaté la piètre qualité de leur isolation et de leur étanchéité, et il s’est fait un point d’honneur d’y remédier. Il allait de soi que ce qu’il construirait serait fait pour durer. « Les gens quittent, mais les bâtiments restent, constate-t-il. La quantité de gaspillage d’énergie n’a aucun sens. Bâtir des maisons écologiques est bon à la fois pour l’environnement et pour la santé financière des propriétaires. Les deux doivent aller de pair si on veut que cela fonctionne. »
Devenu père le 11 février, il veut avoir un impact positif sur l’environnement. Déjà décidé à construire l’écoquartier Éväd à Val-David, le hasard a voulu que son terrain se trouve à deux coins de rue de la toute nouvelle usine iLand de Dan Oppizzi, vouée à la construction de maisons solaires. Mis en contact, les deux entrepreneurs font route ensemble, puisqu’ils partagent un objectif commun : offrir des habitations à énergie nette zéro, qui produisent autant d’énergie qu’elles en consomment, à un prix accessible. En prime, les maisons Éväd, fabriquées avec des matériaux non polluants, viseront toutes la certification LEED.
« Cela a été facile de s’entendre, on parle le même langage, indique Alex Roy-Maurice. Je ne peux pas tout faire, gérer des chantiers et acheter des terrains. Une maison usinée est d’excellente qualité parce qu’elle est construite dans des conditions où l’humidité et la chaleur sont contrôlées. On peut offrir un meilleur prix parce qu’on n’est pas obligé de payer les ouvriers de 90 à 105 $ l’heure, comme sur un chantier. »
Les quatre maisons qu’il a promis de bâtir sur son autre terrain à Sainte-Lucie seront aussi fabriquées par iLand. « Les clients ne diront pas non, dit-il. Ils auront une maison mieux isolée avec des murs de 13 po d’épaisseur, des fenêtres à triple vitrage, des panneaux photovoltaïques et une facture minime d’Hydro-Québec pour le même prix. »
Sauver la planète
Dan Oppizzi et Alex Roy-Maurice font route ensemble pour donner vie au projet Éväd, qui ne comportera que des maisons solaires, à Val-David.
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE
D’origine suisse, Dan Oppizzi est arrivé au Québec il y a cinq ans avec un solide bagage dans le domaine de l’énergie solaire. Architecte, ingénieur de l’environnement et détenteur d’un MBA, il possède une quinzaine de brevets. Il a entre autres inventé des systèmes capables de produire et de stocker de l’énergie solaire. Il a travaillé ici dans le domaine des maisons usinées avant de lancer son entreprise. Il raconte son parcours et sa philosophie dans le livreL’architecture solaire sauvera la planète : l’or est dans le ciel !, qu’il vient tout juste de publier.
Pour faire du développement durable, les pays industrialisés ne doivent pas augmenter leur empreinte écologique, y explique-t-il, comme s’il donnait un cours à ses anciens étudiants de l’Université de Neuchâtel.
« La seule voie menant au réel développement durable passe obligatoirement par l’utilisation d’énergies renouvelables. »
Il met donc la main à la pâte. Les maisons d’iLand, construites en respectant les cahiers des charges des certifications CSA, LEED et Maison Passive, auront des coûts d’énergie passablement réduits. Ceux-ci s’élèveront à moins de 500 $ par année pour une maison de 1000 pi2, estime M. Oppizzi. Ils deviendront nuls grâce à l’utilisation de panneaux photovoltaïques. Pour ce faire, les propriétaires participeront au programme Mesurage net d’Hydro-Québec.
Projet audacieux
Les maisons du projet Éväd, construites dans l’usine iLand, seront fabriquées avec des matériaux non polluants. Elles viseront toutes la certification LEED.
PHOTO HUGO-SEBASTIEN AUBERT, LA PRESSE
Pour que le marché soit prêt à la consommation énergétique nette zéro en 2030, les provinces canadiennes vont adopter des codes de construction de plus en plus stricts, rappelle André Fauteux, fondateur, éditeur et rédacteur en chef de la revue La maison du 21e siècle, qui vient de célébrer ses 25 ans.
Il a rencontré Dan Oppizzi. « Ce n’est pas un petit nouveau, qui découvre soudainement l’énergie solaire », dit-il. En ce qui concerne le promoteur Alex Roy-Maurice, il trouve son projet audacieux. « Ce serait la première fois au Québec que les panneaux photovoltaïques seraient offerts de façon standard, croit-il. Mais on est rendus là. Les gens veulent passer à l’action pour protéger l’environnement. »
Dans le numéro de février de sa revue, par ailleurs, il rédige un texte sur le coût de l’électricité solaire, qui commencerait à atteindre la parité avec celui d’Hydro-Québec. Lui-même, après avoir amélioré l’isolation et l’étanchéité de sa maison, songe sérieusement à en installer sur son toit. « Les prix baissent », précise-t-il.
Les propriétaires qui produisent de l’électricité par choix en demeurant reliés au réseau d’Hydro sont encore peu nombreux. Ils sont 703, en date du 1er avril, à avoir opté pour le programme Mesurage net, indique Cendrix Bouchard, porte-parole de la société d’État. De mars à octobre, ils produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment, alors ils renvoient le surplus vers le réseau hydroélectrique. En retour, ils peuvent compter sur un crédit pendant les mois plus sombres, de novembre à la fin de février, lorsqu’ils produisent moins d’énergie.
Alex Roy-Maurice prévoit livrer sa première maison à Val-David en décembre, une fois les infrastructures en place. « Mon père est mécanicien chez Molson et il m’a appris la valeur des choses, souligne-t-il. Il faut faire attention à nos ressources. » Et ne pas les gaspiller.