La Chine veut envoyer une centrale solaire dans l’espace
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La Chine veut mettre sur orbite une structure capable d’absorber le rayonnement du Soleil et de le renvoyer sur Terre sous forme d’énergie. Mais il faudra d’abord trouver le moyen de construire un tel objet volant.
La Chine est entrée dans la course spatiale sur le tard: son premier satellite n’a vu le jour qu’en 1970. Mais sous l’impulsion du président Xi Jinping, elle rattrape son retard. Au mois de janvier, elle a fait atterrir une sonde sur la face cachée de la Lune. En 2020, elle en enverra une autre sur Mars. Elle a aussi un projet plus ambitieux encore: une centrale solaire spatiale.
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Cette structure munie de panneaux solaires absorbera le rayonnement du Soleil, le convertira en énergie et le renverra sur Terre sous forme de micro-ondes ou d’un faisceau laser. «Elle pivotera autour de la Terre à la même vitesse que cette dernière, ce qui signifie qu’elle restera toujours au-dessus de la même zone», détaille Peter Schubert, un expert des énergies renouvelables à l’Université de l’Indiana, qui connaît bien le projet chinois.
Sur la surface terrestre, des stations équipées d’antennes recevront cette énergie et la transformeront en électricité. Chaque centrale sera capable de générer 5 gigawatts. «De quoi alimenter une ville de 1 million d’habitants», indique l’ingénieur. A titre de comparaison, une centrale nucléaire produit 1 gigawatt.
Un prototype en 2025
Ce projet est l’œuvre de la China Aerospace Science and Technology Corporation, une entreprise étatique fondée en 1999. Elle a prévu de mettre un prototype en orbite à l’horizon 2025, puis une centrale grandeur nature d’ici à 2050. «Un objectif réaliste au vu des moyens investis par le gouvernement chinois», pense Peter Schubert.
Le concept n’est pas neuf. «Il figurait déjà en 1941 dans un récit de science-fiction d’Isaac Asimov», relate Harry Atwater, un spécialiste de la science des matériaux au California Institute of Technology qui travaille sur un projet semblable. Il a été théorisé pour la première fois en 1968 par l’ingénieur Peter Glaser. Mais il a fallu attendre le développement de panneaux photovoltaïques légers et bon marché ainsi que la baisse du coût des vols dans l’espace pour que ce concept devienne viable financièrement.
Courant généré en continu
Il présente plusieurs avantages. «Le courant est généré en continu, 24 heures sur 24, car la centrale fait directement face au Soleil et n’est donc pas affectée par la nuit ou les nuages, explique Peter Schubert. Cela évite de devoir stocker l’énergie à l’aide de batteries lourdes et coûteuses, comme on le fait actuellement sur Terre.» Et comme les rayons du Soleil ne sont pas filtrés par l’atmosphère, les cellules photovoltaïques peuvent en absorber six fois plus.
Une telle source d’énergie en orbite autour de la Terre permettrait en outre de «délivrer de l’électricité à des zones pauvres ou reculées qui ne sont pas connectées au réseau électrique», note Harry Atwater. Voire de rétablir rapidement le courant en cas de catastrophe naturelle. Leopold Summerer, un chercheur à l’Agence spatiale européenne, étudie «la transmission de courant solaire sur la surface de la Lune», afin d’y alimenter des outils d’exploration spatiale.
«Les matériaux seraient extraits sur la Lune ou sur des astéroïdes et les composants seraient assemblés par des robots»
Pas une mince affaire
Mais déployer une station solaire de près de 1000 tonnes à 36 000 kilomètres d’altitude ne sera pas une mince affaire. «Il faudra effectuer plusieurs voyages pour amener tous les composants dans l’espace, ce qui va coûter cher et consommer beaucoup d’énergie», note Peter Schubert. Pour y parer, il a imaginé la construction d’une usine dans l’espace. «Les matériaux seraient extraits sur la Lune ou sur des astéroïdes et les composants seraient assemblés par des robots», dit-il.
Le laboratoire de Harry Atwater a de son côté développé une tuile photovoltaïque dix fois plus légère que les systèmes actuels. Elle ne mesure que 10 centimètres et pèse 0,8 gramme. L’objectif est d’en fixer 360 000 sur un rouleau qui, une fois déployé dans l’espace, fera deux tiers d’un terrain de football. Il y en aurait 2500, sur une surface de 9 km2.
Faisceau laser
«Ces tuiles ont pour avantage d’être autonomes: chacune convertit et transmet l’énergie solaire qu’elle absorbe indépendamment des autres», dit le scientifique. Cela évite une disruption du système si une pièce est endommagée.
Autre souci, les effets sur l’environnement et l’humain des ondes utilisées pour renvoyer l’énergie sur Terre. «Un faisceau laser de 5 gigawatts pourrait réduire un gratte-ciel en poussière en quelques minutes», relève Peter Schubert. Le risque serait moindre avec des micro-ondes. «Elles opèrent sur la même fréquence qu’un téléphone portable», indique-t-il. Des chercheurs chinois ont récemment inauguré un centre à Chongqing pour étudier les effets de ces ondes sur les organismes vivants, à l’aide de ballons munis de panneaux solaires déployés à une altitude de 1000 mètres.